F – 72 000 à 68 500 AEC
Premier pléniglaciaire – stade de Schalkholz (1/3)
Stade de Schalkholz ancien : 72.000 à 70.500 AEC
1er réchauffement intra-Schalkholz : 70.500 à 68.500 AEC
MIS 4 (1/3)
F – 72.000 à 68.500 AEC – Premier maximum glaciaire
Climat
Le Premier Maximum Glaciaire (First Glacial Maximum, FGM) – ou Premier Pléniglaciaire – dura environ de 72.000 à 57.000 AEC ; il correspondit exactement au MIS 4, encore appelé stade de Schalkholz. Dans son ensemble, cette période se superpose aux stades groenlandais GS-20 + GS-19 + GS-18, que la précision de la méthode montre entrecoupés de réchauffements. En Europe de l’Est, le stade de Schalkholz est parfois appelé stade de Shestikhino ou Plénivistulien Inférieur. Cette période de 15.000 ans fera l’objet de trois cartes [cartes F, G & H].
Le GS-20 – ou stade de Schalkholz ancien – dura environ de 72.000 à 70.500 AEC. Au cours de cet hyper-glacial de 1500 ans que représente la carte F, la calotte glaciaire arctique atteignit le rivage Sud de la Baltique ; ce dont résulta une baisse du niveau des mers qui se stabilisèrent aux alentours de – 90 mètres par rapport au niveau actuel. A cette époque, le Nord de l’Europe était si froid qu’il était quasiment dépourvu de végétation. Au Sud de l’Europe – jusque-là relativement épargné lors des épisodes stadiaux du MIS 5 – le mammouth et le rhinocéros laineux pénétrèrent en Italie du Nord et s’établirent jusqu’à la latitude du Latium ; cependant, le renne demeura cantonné au Nord de la frontière italienne.
Nous savons aujourd’hui que ce début du MIS 4 coïncida avec un évènement cataclysmique. En effet, la chronologie glaciaire groenlandaise, l’étude des cendres volcaniques et d’autres approches scientifiques permettent d’affirmer qu’une grande catastrophe affecta la biosphère autour de 72.000 AEC. Il s’agissait de l’éruption du super-volcan Toba (Sumatra), qui fut peut-être la plus grande éruption survenue au cours des 3 derniers millions d’années. Outre un tsunami qui pourrait avoir balayé les côtes des océans Pacifique et Indien, la baisse des températures mondiales fut certainement rapide et intense du fait de la grande quantité de cendres et de gaz projetés dans l’atmosphère. Ainsi, un ‘’hiver nucléaire’’ pourrait avoir affecté le Monde pendant une dizaine d’années ; et pourrait avoir enclenché le Premier Pléniglaciaire en augmentant l’albédo de la planète ? Il existe cependant une controverse sur l’intensité de la catastrophe Toba : pour certains auteurs, elle fut si importante que l’Humanité frôla la disparition ; tandis que pour d’autres, la biosphère se remit relativement vite, sans altération notable de sa diversité passée. Ce second scenario est le plus probable. Chronologiquement, la naissance des grands haplogroupes D, C et F pourrait coïncider avec cet évènement majeur ; et pourrait peut-être ainsi témoigner d’une fragmentation des communautés humaines dans le Monde post-Toba ? Toutefois, il est probable que les populations se restaurèrent assez rapidement.
Puis, vers 70.500 AEC, survint un important réchauffement (GI-19.2) qui sépara la phase ancienne de la phase moyenne du stade de Schalkholz ; ce premier réchauffement intra-Schalkholz dura deux mille ans environ, de v. 70.500 à v. 68.500 AEC.
Au MIS 4 [cf. aussi cartes G & H], les déserts s’étendirent considérablement, comme il est de règle en période glaciaire. En Afrique, cette époque hyperaride est appelée Maluekien ; elle s’installa pour une très longue durée de 30.000 ans qui s’étendit à la fois sur tout le MIS 4 et sur la première moitié du MIS 3. La désertification fut assez intense pour interrompre le cours du Nil qui fut remplacé par une suite d’oueds locaux ; ce changement écologique majeur créa une puissante barrière qui entrava le libre passage des faunes entre les régions africaines subsahariennes et l’aire méditerranéenne. Globalement, l’Afrique allait ainsi demeurer isolée de l’Eurasie jusqu’au MIS 2 ; au cours de cette très longue période, lorsque, en de rares occasions, des passages seront temporairement ouverts entre les deux continents, ce sera plutôt pour réimporter des Humains de l’extérieur, dans un processus que nous nommerons ‘’rétromigration’’ (backmigration en anglais).
Au MIS 4, le désert arabe devint impropre à la vie humaine, et les côtes de la péninsule cessèrent d’être accueillantes ; et donc de jouer leur ancien rôle de passage entre l’Afrique et le Golfe Persique. Celui-ci, désormais totalement exondé en raison de la baisse du niveau de l’océan mondial, pourrait avoir été une région accueillante où se serait concentrée l’essentiel de la population moderne d’Eurasie. C’est ce Golfe Persique glaciaire qui pourrait avoir été le centre géographique du ‘’hub’’ moyen-oriental.
Au début du MIS 4, v. 72.000 AEC, la plaine de Béringie fut exondée, permettant un passage théorique entre la Sibérie orientale et l’Alaska. Cependant, en raison de sa position septentrionale extrême, aucun Humain archaïque ou moderne ne vivait à son voisinage, rendant impossible une colonisation humaine des Amériques. Ce passage impraticable sera de nouveau submergé au début de l’Oerel, v. 57.000 AEC [cf. carte I], en attendant de s’ouvrir à nouveau.
Peuples africains d’haplogroupes A et BT
En Afrique du Nord Occidentale, l’Atérien se poursuivait, sous-tendu par des populations *Atériennes qui pourraient avoir exprimé les haplogroupes A1a, A1b1a, et surtout A1b-M13 ? Le Sahara hyperaride les cantonna pour longtemps dans le Finis Terrae de la bande côtière, les coupants complètements de leurs racines africaines.
En Afrique du Nord orientale, le Taramsien du MIS 5a dut s’éteindre dans la vallée du Nil et dans les oasis voisines devenues trop sèches pour des communautés humaines dépourvues de technologies de survie sophistiquées. Alors, les tribus riveraines du Nil se réfugièrent peut-être au Nord, entre le Delta et la Cyrénaïque où elles demeurèrent longtemps isolée, jusqu’à l’arrivée des populations Dabban, v. 40.000 AEC [cf. carte N]. Les Humains de ces régions portaient peut-être les haplogroupes A1b-M13 et BT* ? Pourtant, contrairement à ce que nous avons constaté aux époques précédentes, leur industrie était moustérienne, ce qui n’est peut-être pas sans rapport avec l’arrivée au Proche-Orient de populations Néandertaliennes qui se réfugiaient au Sud pour échapper au froid [cf. Peuples *Paléo-Levantins].
L’Afrique subsaharienne conservait quant-à-elle ses industries d’allure moderne :
En Afrique du Sud, le MSA Stillbayen (MSA STI) (entre v. 72.000 et v.68.000 AEC) se développa sur la base des industries MSA Pré-Stillbayennes [cf. cartes précédentes], mais sans que nous puissions dire s’il s’est agi d’une filiation directe ? En effet, il n’est pas impossible que des mouvements humains se soient produits à cette époque et aient apporté l’haplogroupe A1b-M51 qui est aujourd’hui majoritaire chez les Khoisans ; c’est pourquoi nous proposons d’associer ces populations Stillbayennes à un groupe ethnique *Proto-Khoisans. L’Afrique du Sud Stillbayenne était alors la région la plus moderne du Monde et, bien que toujours classé dans le MSA, le Stillbayen pourrait plus justement être décrit comme une forme ancienne de l’Âge Récent de la Pierre (Late Stone Age, LSA). Une fois de plus, nous constatons la difficulté pour définir des cut-off en Afrique, où tout est continuité [cf. introduction]. Les populations Pré-Stillbayennes fabriquaient déjà des lames (blades) qui permettraient de qualifier leur industrie de ‘’mode 4’’ si elles avaient vécues en Eurasie. Sur la carte E, nous avons toutefois attribué ces artéfacts pré-stillbayens à un ‘’mode 3-(4)’’. Plus moderne encore, le Stillbayen ajouta des petites pièces lithiques non géométriques que certains chercheurs assimilent à d’authentiques microlithes ; progrès technologique qui permettrait de classer le Stillbayen parmi les industries de ‘’mode 5’’ s’il s’agissait d’une culture eurasienne. Toutefois, d’autres chercheurs pensent que ces microlithes non géométriques n’étaient pas intentionnels et auraient pu constituer des sortes de déchets de production ; ou bien des produits résultant de tailles successives d’une même lame dans le but d’économiser la matière lithique, mais en l’absence de standardisation et sans véritable planification ? Ces derniers ont peut-être raison, mais il convient quand même de remarquer que de telles petites pièces n’existaient pas aux époques antérieures ; ce qui permet par conséquent de douter d’une absence complète d’intention à l’origine de leur production. Comme leurs prédécesseurs *Pré-Stillbayens, les *Stillbayens savaient aussi fabriquer des pendentifs (coquillages percés) et utilisaient l’ocre ; deux éléments qui suffisent à prouver qu’ils possédaient des cognitions modernes. Mais cette modernité ne s’arrêtait pas là puisque c’est chez eux que l’on trouve également les plus anciens dessins du Monde (motifs hachurés retrouves à Blombos cave) v. 71.000 AEC, les premières traces mondiales de literie v. 75.000 AEC, et les premières traces de colles utilisées à chaud pour réaliser des emmanchements solides, v. 70.000 AEC ! Afin d’acter toutes ces preuves de modernité, nous attribuons le Stillbayen à un ‘’mode 4-(5)’’ sur les cartes de l’atlas. Disons une nouvelle fois que tout ceci serait sans ambiguïté qualifié de Paléolithique supérieur s’il s’agissait d’une culture eurasiatique.
Peuples d’haplogroupe B
La date d’apparition du grand haplogroupe B – variant de BT* – fait l’objet de controverses, comme celle de presque tous les haplogroupes ADN-Y. En attendant des précisions fiables, nous le ferons apparaître v. 70.000 AEC, c’est-à-dire au début du MIS 4 ? A l’époque de son origine, l’haplogroupe B devait être cantonné à l’Afrique de l’Est, au voisinage d’autres variants de BT* avec qui il formait un même groupe ethnique ; à l’Holocène, l’archéogénétique identifiera encore des individus BT* au Malawi ; mais au MIS 4, ce groupe devait être localisé plus loin au Nord. Aujourd’hui, c’est chez les Hadza et les Sandawe d’Afrique de l’Est (Tanzanie), ainsi que chez les Pygmées de la grande forêt tropicale que la fréquence de l’haplogroupe B est la plus élevée. A l’origine, toutes les populations BT* puis B devaient parler des langues à clics appartenant à un groupe ethnolinguistique que nous pourrions appeler *Néo-Khoisan mais que nous proposons plutôt de nommer *Etéo-Africain pour le différencier des ‘’véritables’’ langues Khoisans. Aujourd’hui, seules les deux ethnies tanzaniennes mentionnées utilisent encore les clics, car les Pygmées ont depuis longtemps remplacé leurs langues originales par des dialectes bantous [cf. atlas n°4].
Peuples d’haplogroupe DE
Issu de l’haplogroupe CT (=DECF), l’haplogroupe DE avait émergé v. 90.000 AEC, peut-être en Arabie méridionale ou au voisinage du Golfe Persique. De part et d’autre du Golfe Persique, ses porteurs s’étaient ensuite fragmentés en deux groupes que nous avons appelés *Paléo-Boréal-Occidental et *Paléo-Boréal-Oriental [cf. carte C].
Au stade de Schalkholz, le passage entre l’Arabie et l’Afrique fut de nouveau facilité par l’importante baisse du niveau des mers. Sous la pression de l’aridification de la péninsule arabe, des groupes DE* *Paléo-Boréaux-Occidentaux retournèrent en Afrique de l’Est, réalisant ainsi une première rétromigration des Hommes modernes sur le continent originel ; raison pour laquelle nous nommerons désormais ce groupe *Rétro-Africain. En cette époque désertique, le massif éthiopien aurait pu constituer un refuge de premier choix pour ces colons, puisque ces régions d’Afrique de l’Est demeurèrent toujours accueillantes, y compris au cours des périodes les plus froides qui furent aussi les plus arides. Le caractère rétromigratoire du groupe est prouvé par l’existence d’ADN Néandertalien chez certaines populations africaines d’aujourd’hui : environ 1% dans le massif éthiopien où se sont installés les rétromigrants, et environ 0,5 % en Afrique Centrale où l’on peut penser que les gènes Néandertaliens se diluèrent du fait des métissages ultérieurs avec les populations d’haplogroupes A et BT* qui – elles –, n’avaient pas d’ancêtre Néandertalien. Outre l’étroit cousinage de l’haplogroupe E et de l’haplogroupe D, ces ancêtres néandertaliens suffisent à prouver que les Africains d’haplogroupe E (i.e. la majorité des Africains Africoïdes d’aujourd’hui) descendent de colons eurasiens en lignée patrilinéaire. La langue de ces *Rétro-Africains – vraisemblablement dépourvue de clics, comme toutes les autres langues Boréales – était située en position ultra-ancestrale des langues Congo-Sahariennes, c’est-à-dire des deux grandes familles linguistiques africaines actuelles, dites Nigéro-Kordofanienne et Nilo-Saharienne. Comme nous le lirons dans la suite de l’atlas, les DE* africains et leurs descendants E finiront par s’étendre au détriment des populations indigènes BT* / B ; mais cela sera probablement tardif, au cours du Tardiglaciaire [cf. carte W]. C’est le succès de cette expansion vers l’Ouest et vers le Sud qui explique qu’aujourd’hui, l’haplogroupe E est celui que partagent la majorité des Africains de type Africoïde. Cependant, en dépit de leur parenté linguistique postulée et de leur parenté patrilinéaire certaine avec la grande majorité des populations Africoïdes actuelles, les premiers *Rétro-Africains étaient peut-être plutôt engagés vers un morphotype Europoïde – également qualifié de Cromagnoïde – acquis au Moyen-Orient ? A première vue, cette idée apparait incongrue ; toutefois, lorsque le rameau E-M35 de l’haplogroupe E – lui-même variant de DE – remontera la vallée du Nil au MIS 2 [cf. cartes R & suivantes], le morphotype de ses porteurs sera qualifié de Cromagnoïde par les paléoanthropologues ; ce qui autorise à se demander si ce n’était pas le morphotype initial du peuple *Rétro-Africain tout entier ? Beaucoup plus tard, au cours du Néolithique, certains descendants de ces migrants E-M35 partis peupler le Nord reviendront en Afrique lors de l’expansion pastorale des peuples Afrasiens [cf. atlas n°4].
Aujourd’hui, l’haplogroupe DE* (non-E) existe toujours en Afrique, avec des taux résiduel en Afrique de l’Ouest. Nous ne ferons pas émerger le véritable haplogroupe E avant la fin du MIS 4 [cf. carte H]. En effet, la datation moléculaire de l’origine de l’haplogroupe E nous oblige à inférer une longue histoire cryptique de l’haplogroupe DE*(E). Nous ne ferons pas émerger l’haplogroupe E avant la fin du Primiglaciaire [cf. carte H].
De leur côté, des tribus *Paléo-Boréales-Orientales, porteuses de l’haplogroupe DE* également, avaient commencé à s’étendre le long des côtes d’Asie méridionale dès v. 80.000 AEC [cf. carte D]. Continuant leur progression dans ces régions vides d’Hommes modernes, ces groupes – que l’on peut désormais appeler *Paléo-Asiatiques – pourraient avoir atteint le seuil de l’Indochine v. 75.000 AEC ? [cf. carte E]. En période glaciaire, c’est-à-dire sèche, le franchissement des Sundarbans devient plus facile, car les eaux de ruissellement descendues du Tibet sont beaucoup moins abondantes. Ces conditions avantageuses incitèrent ces pionniers à s’avancer encore plus loin vers l’Est, dans des régions où les forêts tropicales avaient régressé et d’où le Sunda avait surgi des eaux, réunissant les îles de la Sonde en une vaste péninsule qui venait prolonger l’Indochine vers le Sud ; Cet Indo-Sunda fut peut-être colonisé v. 70.000 AEC. Dans l’introduction, nous avons spéculé sur les conséquences cognitives délétères qui auraient pu résulter du métissage de ces colons modernes avec les Dénisoviens méridionaux – particulièrement archaïques – qui peuplaient depuis longtemps la région où ils s’installaient ? Nous en savons trop peu sur le Sunda de cette époque pour pouvoir dépasser le stade de la spéculation. Nous avançons toutefois que plusieurs paramètres durent jouer pour préserver ou au contraire faire régresser les cognitions modernes : 1) le nombre initial d’Hommes modernes migrants et le nombre des indigènes archaïques. Moins les Hommes modernes étaient nombreux, plus leurs gènes ont été dilués par les gènes indigènes. Or, les Humains étant une espèce tropicale, il est concevable que la densité des Dénisoviens méridionaux ait été relativement élevée ; 2) la vitesse de progression des Hommes modernes le long des vallées fluviales ou des côtes (plus la progression est rapide moins il y a d’hybridation) ; et 3) les habitudes de vie respectives des populations modernes et archaïques qui pourraient avoir diminué le taux d’hybridation si elles avaient été différentes (par exemple, les premières vivant dans les plaines littorales et fluviales, et les secondes dans les forêts des hauteurs ?).
En raison de la baisse importante du niveau des eaux, c’est peut-être dès cette époque primordiale de la conquête de l’Asie que les îles Andamans furent peuplées à pieds sec par des individus DE* qui y vivent toujours aujourd’hui ? Il est également intéressant de remarquer que parmi les populations de morphotype Australoïde et apparenté (Negrito), les Andamanais actuels sont ceux qui expriment le moins de gènes Dénisoviens ; ce qui signifie que leurs ancêtres sont rapidement arrivés dans leurs îles, avant d’avoir eu le temps de multiplier les occasions de métissages avec ces Hommes archaïques d’Asie du Sud-Est ; limitant les métissages aux seuls Néandertaloïdes des Indes, moins archaïques que les Dénisoviens méridionaux. En plein XXI° siècle, les Andamanais nous offrent donc encore un aperçu précis des premières populations modernes DE* qui colonisèrent l’Asie ! Et leurs langues actuelles doivent nécessairement conserver des traces lointaines de la leur.
Vers 70.000 AEC, dans le contexte d’une fragmentation post-Toba des populations, c’est au sein du groupe ethnolinguistique *Paléo-Asiatique d’haplogroupe DE*, que nous ferons apparaître l’haplogroupe D ; peut-être sur la péninsule d’Indo-Sunda ?
Au total, nous tenons pour vraisemblable que, dès le Schalkholz ancien, le groupe DE* s’était déjà considérablement fragmenté. Il était désormais regroupé autour de deux nouveaux épicentres très éloignés l’un de l’autre, puisque l’un des deux – DE*(E) – était situé en Afrique de l’Est, tandis que l’autre – DE*(D) – était installé en Asie du Sud-Est. C’est cette histoire très ancienne qui explique l’étrange répartition actuelle des derniers porteurs de DE* (observés en Guinée et au Nigéria d’une part, ainsi qu’au Tibet, aux îles Andamans et aux Philippines d’autre part) ; tout comme elle explique la répartition des autres descendants de DE, les porteurs des deux grands haplogroupes dérivés que sont E (Afrique et autre) et D(Asie orientale). Aujourd’hui, la génétique des haplogroupes ADN-Y permet d’affirmer l’apparentement patrilinéaire étroit de ces deux groupes fort éloignés, bien qu’aucun argument ethnoculturel, génétique nucléaire, ou linguistique ne permette de lier en un unique ensemble les descendants patrilinéaires des peuples primordiaux que nous avons appelés *Paléo-Boréaux-Occidentaux / *Rétro-africains et *Paléo-Boréaux-Orientaux / *Paléo-Asiatiques. L’absence de preuves visibles – autre qu’ADN-Y – s’explique parce que la date de leur séparation est très éloignée et parce que leur évolution fut nécessairement très divergente au contact de substrats et d’adstrats ethnolinguistiques très différents. Des études linguistiques plus poussées seraient-elles cependant en mesure de repérer des vestiges partagés dont la fréquence excéderait le hasard ? En revanche, le groupe *Paléo-Asiatique – quoique très vestigial de nos jours – pourrait peut-être encore manifester une plus grande cohérence au travers de la comparaison des langues andamanaises, des langues aïnous et des pauvres gloses tasmanienne réchappées du génocide de ce peuple au XIX° siècle.
Peuples d’haplogroupes CF
Dès le stade de Schalkholz ancien, les deux populations d’haplogroupe DE* qui viennent d’être décrites se trouvèrent séparées par l’extension des tribus porteuses de l’haplogroupe CF, le groupe frère de DE. Nous situons l’épicentre de cet haplogroupe CF dans le ‘’hub‘’ moyen-oriental ; c’est-à-dire près du Golfe Persique où même à l’intérieur de ce qui nous apparait aujourd’hui sous la forme d’un golfe, mais qui était alors les deux rives fertiles d’un très long Chatt-el-Arab [cf. introduction]. Nous avons également proposé de donner le nom de langues *Néo-Boréales aux langues de ce groupe ethnolinguistique ancien qui fut à l’origine de la majorité des langues et des haplogroupes ADN-Y de l’Humanité d’aujourd’hui.
Peut-être en conséquence d’une fragmentation post-Toba de la trame du peuplement humain, c’est v. 70.000 AEC que CF donna naissance à deux nouveaux variants très prometteurs : les haplogroupes C et F. Conformément à l’hypothèse déjà développée – qui consiste à associer assez étroitement les groupes ethnolinguistiques à des haplogroupes ADN-Y précis aux temps du Paléolithique moyen et du début du Paléolithique supérieur – ces deux groupes durent véhiculer deux nouvelles formes divergentes des vieilles langues *Néo-Boréales. A la suite d’un regroupement proposé depuis longtemps sur des seuls critères linguistiques, on nommera Déné-Caucasiennes les langues originelles des porteurs de l’haplogroupe C ; et *Proto-Nostratiques celles des porteurs de l’haplogroupe F. Sur la carte F, ce n’est que par manque de place que nous faisons figurer le nom de ce second groupe sur la rive arabe, car il faut plutôt le comprendre comme ayant été le successeur direct du vieux groupe *Néo-Boréal dans la zone centrale du ‘’hub’’. Au MIS 4, tout cela ne peut être qu’une hypothèse hardie ; mais au fil des époques qui suivront, les langues-filles de ces deux langues-racines apparaitront de plus en plus comme des constructions solides. On voit donc que, dès l’époque qui suivit Toba, la diversification ethnolinguistique des Humains modernes était déjà bien engagée.
Sur la carte F, nous avons également postulé des groupes CF*, marginalisés par C et par F, dont l’existence est hypothétique. En revanche, il est certain que des groupes CT* subsistaient car nous retrouveront plus tard des individus CT* en Europe et au Levant [cf. carte O].
Peuples Paléo-Levantins
Sur le très long terme, la séquence des industries levantine est étrange. Récapitulons-là une nouvelle fois [cf. introduction] : moustérienne jusqu’au froid MIS 8, elle prit une allure moderne avec l’Hummalien pendant le chaud MIS 7, pour redevenir moustérienne au cours du froid MIS 6 ; mouvements de yoyo que nous avons interprété comme résultant de l’apport génétique de Néandertaliens qui se replièrent itérativement vers le Sud pour échapper aux rigueurs du climat [cf. atlas n°2]. Puis, tout en demeurant moustérienne, l’industrie levantine manifesta de nouveau des tendances modernes au MIS 5 qui fut majoritairement chaud ; tendances que nous avons mise sur le compte d’une nouvelle intrusion de groupes modernes venus d’Afrique et que nous avons résumée par le terme de Moustérien Récent parce ce nouvel apport africain ne mit pas fin au Moustérien local, tout en lui apportant des marqueurs plus modernes [cf. carte A]. Nous avons émis l’hypothèse que les Hummaliens auraient pu véhiculer l’haplogroupe A1a, tandis que leurs successeurs du MIS 5e auraient apporté l’haplogroupe A1b-M13. Puis, au MIS 5a, de nouveaux groupes d’Hommes modernes – peut-être porteurs de l’haplogroupe BT* – apportèrent le Nubien Récent qui resta confiné au Sud du Levant (Néguev) et qui ne semble pas avoir fait régresser le Moustérien dans le reste de la région, à moins que cela ne fut tellement temporairement que nous n’avons pas encore su le voir ? En ce MIS 5 finissant, les peuples *Paléo-Levantins – dont l’appellation composite regroupe artificiellement dans notre hypothèses des individus porteurs des haplogroupes A1a*, A1b-M13 et BT* arrivés en vagues distinctes – étaient essentiellement modernes mais exprimaient aussi des traits archaïques que nous pouvons comprendre comme hérités de métissages avec les Néandertaloïdes locaux [cf. cartes A à E].
Lors du glacial MIS 4, rééditant ce qui s’était déjà passé au glacial MIS 6, de ‘’purs’’ Néandertaliens descendirent une nouvelle fois des régions septentrionales pour échapper à la rigueur du climat ; avec eux, ils réimportèrent une fois encore un pur Moustérien dans le monde *Paléo-Levantin ; et même encore plus loin que cela, jusqu’en Cyrénaïque où le site d’Haua Ftehea est moins moderne au MIS 4 (Moustérien) qu’il ne l’était au MIS 5 (MSA Nubien). Selon notre hypothèse principale, cette nouvelle intrusion de populations archaïques tira donc une fois de plus vers le bas les cognitions des Hommes modernes de la région qui vivaient isolés depuis qu’ils avaient perdu le contact avec leurs origines africaines (fermeture de la voie du Nil), et faute d’avoir déjà établi un contact avec les autres Hommes modernes implantés autour du Golfe Persique. Toutefois, les rares Européens contemporains A1a* (Ecosse, Irlande) et A1b-M13 (Ecosse, Irlande, Sardaigne) laissent penser que l’intrusion Néandertalienne au Levant n’a pas fait disparaitre les haplogroupes modernes anciens qui pénétreront dans les Balkans au cours du stade d’Hasselo [cf. carte M] ; ce qui permet de se représenter le Levant du MIS 4 comme une mosaïque de groupes humains modernes et Néandertaliens en cours d’hybridation. Sur la carte F, nous maintenons une ‘’frontière’’ néandertalienne en Anatolie méridionale afin d’acter que les Hommes qui vivaient au Sud de cette ligne au MIS 4 n’étaient pas de purs Néandertaliens.
Hommes archaïques
Pour terminer ce tour d’horizon des populations humaines au Schalkholz *ancien, nous revenons à ces Néandertaliens dont nous avons dit qu’ils se replièrent vers le Sud sous la pression du froid :
Au Proche-Orient, cette pulsation migratoire généra nécessairement des occasions de métissage. Les sites proche-orientaux qui ont livré des ossements Néandertaliens sont : Kebara (Levant, v. 60.000 AEC), Amud-1 (Levant, v. 55.000 AEC), Shanidar (Irak, v. 65.000 AEC pour les plus anciens, peut-être v. 50.000 AEC pour la fameuse ‘’tombe fleurie’’, et peut-être v. 40.000 AEC pour les plus récents). Les restes de Kebara et de Shanidar sont considérés comme provenant de sépultures indiscutables ; peut-être parce que leurs auteurs Néandertaliens étaient, eux, discutables ? Qui étaient ces Néandertaliens du Proche-Orient du MIS 4 et du début du MIS 3 ? Leurs caractéristiques néandertaliennes étaient moins accusées que celles des Néandertaliens ‘’classiques’’ d’Europe ; et on en a déduit que leur installation au Proche-Orient était antérieure à l’établissement de ces caractères typiques qui seraient apparus plus tard et plus loin dans le Nord. Mais ne pourrait-on pas plutôt faire l’hypothèse que ces Néandertaliens – moins Néandertaliens que d’autres – étaient le produit d’un certain degré d’hybridation avec les Hommes modernes qui les avaient précédés au Levant et potentiellement en bordure méditerranéenne de l’Anatolie ? Cette hypothèse ne pourrait-elle pas suffire à expliquer la présence de sépultures chez ces Humains archaïques ? Parce qu’ils ne l’auraient pas été totalement ? Seule l’archéogénétique pourrait nous le dire, si de l’ADN a été préservé ?
Accessoirement, la nouvelle intrusion Néandertalienne au Levant dut renforcer le type Europoïde des *Paléo-Levantinspuisque nous pensons que ce morphotype est essentiellement un legs des Néandertaliens à l’humanité moderne occidentale [cf. introduction] ; De la même façon, on peut penser que des Néandertaliens descendirent aussi des Zagros sous la pression du froid et éclaircirent encore un peu, là aussi, la pigmentation des Humains modernes moyen-orientaux d’haplogroupes C et F ? De leur côté, déjà partis en Asie et en Afrique, les peuples DE* auraient peut-être été moins affectés par ce phénomène ?