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Interglaciaire HOLSTEINIEN
MIS 11

Carte – T – 420.000 à 370.000 AEG – Interglaciaire HOLSTEINIEN

 

Climat

Au début de cet interglaciaire, la débâcle soudaine d’un lac glaciaire qui s’étendait à la place de la mer du Nord au cours du MIS 12 [cf. carte S], éroda le Pas de Calais, mais laissa quand même subsister un étroit pont terrestre reliant toujours la France à l’Angleterre. L’HOLSTEINIEN fut l’une des deux périodes les plus chaudes du Pléistocène, comparable en cela à l’Eémien [cf. carte Z], mais avec une durée deux fois plus longue de l’optimum climatique. Une quantité importante de glaces continentales ayant fondu sous l’effet du réchauffement (Groenland, Antarctique, glaciers de montagnes), nos actuelles zones côtières les plus basses étaient alors englouties. Si l’on poursuit la comparaison avec l’Eémien, beaucoup mieux connu qu’elle, cette période dut connaître une alternance de phases très chaudes et très humides, entrecoupées de phases plus fraiches et plus sèches. La carte T représente une phase chaude et humide, connue en Afrique sous le nom de pluvial Kamasien.

 

Afrique

Le peu de données disponibles nous contrait aux spéculations. Le retour d’un ‘’Sahara vert’’ dut favoriser les Humains, tant Heidelbergensis / Acheuléens (ESA ACH) / ‘’mode 2’’, que Rhodesiensis / Levalloisiens (MSA ANC) / ‘’mode 3’’.

 

Eurasie

Les conditions écologiques eurasiennes étant redevenues très favorables à notre espèce tropicale et savanicole, des Humains purent s’aventurer très loin vers le Nord. Ainsi, en Europe Nord-Orientale, le site d’El’Niki (‘‘*mode 1bis’‘) est-il situé sur le 58° parallèle Nord, sur le versant Ouest des monts Oural ! Au MIS 11, toute l’Europe Centrale et Orientale demeurait tayacienne ; et cette industrie archaïque donne même l’impression d’avoir débordé sur l’Ouest du continent, qui avait pourtant été parsemée de sites acheuléens avant l’intermède glaciaire : c’est le cas en Allemagne rhénane (Karlich, Ariendorf, Steinheim), en Alsace (Acheinheim), en Aquitaine (Fontchévade), en Italie (Loreto) ou encore en Angleterre (Clacton-on-Sea, le site éponyme du Clactonien que nous englobons ici dans le Tayacien). Tout se passe comme si le Tayacien (TAY) / ‘‘*mode 1bis’‘ s’était désormais répandu dans toute l’Europe – y compris en Europe du Nord-Ouest autrefois purement acheuléenne – mais n’était associé à des bifaces que dans la seule Europe Occidentale. Dans les commentaires de la carte S, nous avons vus que ce faciès occidental hybride pourrait être appelé *Acheuléo-Tayacien / ‘‘*mode 2-(1bis)’‘ afin de souligner sa nature composite.

Face à ces observations déroutantes, certains chercheurs mettent en avant des arguments typologiques pour conclure que – même en l’absence de biface – les sites occidentaux postérieurs à 500.000 AEC appartiennent par convention à l’univers industriel acheuléen ! A l’inverse, d’autres chercheurs, penchent pour une identité authentiquement tayacienne de ces sites et limitent l’importance des bifaces en tant que marqueurs technologiques ! Ce flou typologique pourrait cependant facilement s’expliquer si une intense hybridation génétique et comportementale avait homogénéisé les ‘’indigènes’’ Antécessors de ‘‘mode 1’‘ et les déjà très anciens ‘’immigrants’’ Heidelbergensis de ‘‘mode 2’‘ présents en Europe occidentale depuis près de 200.000 ans à l’époque où nous sommes parvenus ! Sur ce continent, au cours de l’intense glaciation de Mindel (MIS 12), seuls les groupes concentrés ou repliés dans les habituelles zones refuges (Espagne, Italie, Balkans) avaient eu la chance de survivre à la catastrophe climatique ; des bandes d’origine ethnique différentes se sont nécessairement croisées dans cet espace littoral réduit, et leur promiscuité aurait pu créer un contexte favorable aux échanges génétiques ; et potentiellement à une hybridation comportementale ?

 

Ailleurs, au Levant, dans l’étroite bande refuge coincée entre la mer et le désert, nous situons un contexte analogue de métissage entre les ‘’indigènes’’ acheuléens et des immigrants tayaciens à l’origine de l’industrie yabrudienne dont la nature mixte transparait mieux sous son appellation complète d’Acheuléo-Yabrudien (YAB / ACH YAB) [cf. carte S]. Conformément à ces hypothèses migratoires, une nouvelle couleur est utilisée à partir de la carte T, pour circonscrire les aires technologiques hybrides d’Europe Occidentale et du Levant que nous référençons à un hybride ‘‘*mode 2-(1bis)’‘.

 

Trois cent mille ans plus tard, lors de l’Eémien (MIS 5e), on verra des Humains occidentaux porter les techniques Levallois / MSA / ‘‘mode 3’‘ jusqu’aux rives du lac Baïkal, voire encore plus loin [cf. carte Z]. Des mouvements humains comparables se produisirent-ils déjà dans les conditions climatiques comparables du Holsteinien (MIS 11) ? En l’état actuel de nos connaissances (2019), la question ne peut pas être tranchée à cause de l’indigence des données, puisque les sites d’Asie Centrale et de Sibérie sont majoritairement des sites de surface non datés. Cependant, nous avons vus que l’Asie Centrale (au moins le Sud de la région) a été sillonnée par des Humains qui ont laissé des outils de ‘‘mode 1’‘, sans qu’on sache très bien où ces gens pouvaient subsister pendant les épisodes glaciaires (Bactriane, Kopet Dag ?), ni pourquoi ils seraient demeurés pendant si longtemps distincts de leurs voisins Acheuléens d’Iran ? Outre cette question, il faut aussi se demander où et comment ils auraient survécus à la glaciation majeure du MIS 16 ? [cf. carte Q]. Mais ils n’ont peut-être pas survécu, où se sont dilués dans le Sud acheuléen après avoir été contraints de s’y replier pour survivre ? Pourtant, postérieurement (?) au MIS 16, le site de Karatau (Bactriane, Tadjikistan) livre encore des outils dits de ‘‘mode 1’‘, dont l’âge pourrait être compris entre 600.000 et 500.000 AEC ; mais, à la lumière de l’évolution des industries européenne hybrides [cf. ci-dessus], peut-on vraiment affirmer que ces outils mal datés relèvent avec certitude de l’archaïque Oldowayen ? Au Kazakhstan Central, le site de Saryarka a livré des outils acheuléens non datés eux aussi mais qu’on pourrait tenter de rattacher au MIS 11 du fait de leur localisation très septentrionale ! C’est aussi le cas à Yark, en pleine Mongolie !

Au cours des périodes chaudes et pluviales, ces régions aujourd’hui froides et subdésertiques étaient recouvertes d’une steppe giboyeuse qui constituait un biotope idéal pour les Humains acheuléens du Moyen-Orient, habitués aux mêmes conditions d’existence en Iran. Cette courte série de sites d’Asie Centrale jalonne donc la route par laquelle Homo heidelbergensis et sa technologie acheuléenne / ‘‘mode 2’‘ sont parvenus jusqu’en Mongolie ;  et on saisit peut-être, au travers de ces sites, l’arrivée des Dénisoviens au seuil de l’Asie Orientale ? Cette ‘’race’’ dénisovienne n’est pour l’instant (2019) formellement identifiée que par le séquençage de son ADN (extrait de sites de l’Altaï) et par les gènes qu’elle a laissée aux populations asiatiques et océaniennes de notre temps, sans que nous soyons encore consensuellement en mesure de l’associer à des caractéristiques anthropologiques précises.

Une grande surprise (2013) a été de constater que les gènes mitochondriaux dénisoviens étaient davantage éloignés de ceux des Néandertaliens que de ceux des Heidelbergensis qui les avaient précédés en Europe (Atapuerca, Espagne) et dont on pensait jusque-là qu’ils étaient les ancêtres directs des Néandertaliens. Cependant, de nouvelles données (2015) portant cette fois ci sur l’ADN nucléaire, ont montré que les gens d’Atapuerca figuraient quand même bel et bien parmi les ancêtres des Néandertaliens ! Au total, cela signifie que les Néandertaliens d’Europe étaient à la fois les descendants des ‘’indigènes’’ ESA Heidelbergensis d’Europe et des nouveaux immigrants africains porteurs de la technologie MSA moustérienne [cf. cartes V à X]. C’est logique. Puisque les Européens d’aujourd’hui descendent d’immigrants Sapiens sapiens modernes métissés avec des ‘’indigènes’’ Néandertaliens ‘’récents’’, pourquoi ces derniers ne seraient-ils pas descendus d’immigrés Néandertaliens ‘’anciens’’ métissés avec les ‘’indigènes’’ Heidelbergensis qui les avaient précédés ? Nous identifierons peut-être un jour ces strates successives qui ont façonné le patrimoine génétique le plus intime des Européens d’aujourd’hui ?

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